L’Occident vu par les Égyptiens
Tarek EZZAT
Quand on évoque l’Occident, on pense surtout aux États-Unis
d’Amérique, et à l’Union Européenne.
Il faut ajouter une troisième région à ces deux premières ;
les pays satellites des USA, surtout le Canada, l’Australie et le Japon.
Ensemble, ces trois régions constituent ce qu’on appelle
communément ‘la triade’ et que j’appellerai ici ‘l’Occident’.
Avant le soulèvement du 25 janvier 2011, les Égyptiens
étaient soient sceptiques soit indifférents à l’Occident en général. Ils
étaient cependant très hostiles aux USA et plus ou moins favorables à la
France.
L’hostilité aux USA s’expliquait par son soutien au régime
de Moubarak, sa politique de soutien inconditionnel à Israël, son agression
contre l’Irak, puis contre la Syrie (par Turquie interposée) et par les
déclarations toujours provocantes de ses dirigeants.
La France a été au sommet de sa popularité lors de son refus
de participer à la guerre contre l’Irak, surtout après le discours historique
et tant remarqué de Villepin au Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Après le renversement de Moubarak, la perception de
l’occident par les Égyptiens a changé, plus ou bien rapidement, selon la
culture politique des uns et des autres.
En effet, dès la confiscation de la révolution par la mafia
islamiste de Morsi, certains ont compris que l’Égypte faisait face à une
‘révolution colorée’, manipulée par les USA et leurs vassaux de l’Occident.
Ces soi-disant révolutions sont programmées en plusieurs
actes :
Acte 1 : Les organisations non gouvernementales, comme
la NED (National Endowment for Democracy) HWR (Human Rights Watch) ou AI
(Amnesty International) organisent des ‘sessions de formation’ destinées à la
jeunesse du pays.
Ces organisations sont des façades de la CIA ou de l’OTAN,
directement financées par les administrations occidentales, ou alors par des
milliardaires impliqués dans le soutien de la politique de domination des États-Unis,
comme George Sorros ou Bernard Henri Levy.
On fait miroiter à ces jeunes des opportunités de stage en
Europe ou aux USA, on leur apprend à échanger des informations de manière
confidentielle avec leurs parrains étrangers, ont leur fourni des analyses
sociologiques poussées de la situation sociale de leur pays, et surtout un
argumentaire bien étudié de critique sociale, qui se trouve souvent renforcé
par la pauvreté de leur pays, ou pas la corruption bien réelle qui y sévit.
Cette ‘élite’ est aussi entraînée à utiliser les réseaux
sociaux pour faire des appels à manifester, des sit-in de protestation et
commencer une campagne de désorganisation.
On fait croire à cette élite qu’elle est destinée à prendre
le pouvoir lorsque le plan de déstabilisation aura fonctionné.
On s’assure parallèlement à cela de la collaboration de
politiciens plus ou moins présentables, qui, le moment venu, devront servir de
faire valoir aux mouvements planifiés.
Parmi
les membres de ces élites, on peut citer Wael Ghoneim, Asmaa Mahfouz, ou Ahmad
Douma. Avec Mohamed El-Baradei comme chef de file et faire valoir.
Acte 2 : Des ‘militants’ plus ‘déterminés’, combatifs,
souvent pauvres donc facilement achetables sont orientés vers une formation
paramilitaire, ils formeront plus tard une milice chargée de la ‘protection de
la révolution’ et de l’organisation de soulèvements.
Acte 3 : Les troubles commencent. Les ‘élites’ dirigent
les manifestations, entraînant les mécontents dans leur sillage. Les milices,
déjà préparées et entraînées, tirent sur la foule et sur la police. Le pouvoir
est accusé d’usage disproportionné de la force, le président qui a ‘tiré sur
son propre peuple’ est déclaré avoir perdu sa légitimité, et …
Acte 4 : Les vrais agents de l’occident, en
l’occurrence les ‘frères musulmans’ s’empare du pouvoir et confisquent la
révolution à leur profit, au terme d’élections truquées, d’un vote manipulé et
de résultats falsifiés[1]
Acte 5 : le nouveau pouvoir est déclaré ‘démocratique’
et le nouveau président reconnu comme ‘le premier président démocratiquement
élu en Égypte’.
Acte 6 : Le nouveau pouvoir assoit son autorité en
élargissant ses milices, en affaiblissant l’armée régulière et en dévoyant la
police.
Les milices, armées par les soins du nouveau pouvoir, sèment
la terreur, menacent ou liquident les opposants les plus gênants[2].
Le 22 novembre 2012, Morsi a réalisé un véritable coup d’État.
Il a fait une ‘déclaration constitutionnelle’ par laquelle il s’accorde les
pleins pouvoirs : la possibilité de légiférer par décret, d'annuler des
décisions de justice déjà en cours et d’exercer les pouvoirs exécutif, législatif
et judiciaire. La déclaration interdisait tout recours judiciaire contre ses
décisions.
Par ailleurs, Morsi limoge le procureur général pour le
remplacer par un autre, membre de la confrérie islamiste, et à sa dévotion.
Ce qui n’a pas été prévu par l’Occident, c’est la réaction
populaire.
En effet, les Égyptiens, comme tous les peuples, sont au
courant de ce qui se passe dans le monde. Ils savent que cette la machination des
révolutions colorée avait déjà été essayée ailleurs, par exemple au Venezuela,
en Ukraine ou en Géorgie. Ils ont vite compris qu’ils étaient victimes du même
complot. Ils ont alors organisé la résistance.
Dans un premier temps, ils se sont opposés par des
manifestations monstres (deux à trois millions de manifestants à chaque fois)
pour s’opposer aux décisions iniques du nouveau pouvoir et à sa main basse sur
tous les rouages de l’Etat et les centres de pouvoir.
Puis, un mouvement qui s’est nommé ‘Tamarrod’ (rébellion) a
décidé d’organiser une pétition populaire pour demander des élections
présidentielles anticipées.
Le pari de Tamarrod était de recueillir plus de signatures
que le nombre de voix, réelles ou pas, que Morsi aurait obtenues au deuxième
tour de l’élection présidentielle.
Tamarrod a gagné son pari. Au 30 juin, il a 22 millions de
signatures avec adresses et les numéros de carte d'identité. Le mouvement avait
appelé à une manifestation populaire le même jour, pour réclamer l’organisation
d’élections présidentielles anticipées et demander à l’armée de protéger le
peuple et protéger les intérêts du pays.
Les manifestations continuent les jours qui suivent, des
heurts entre manifestants font plusieurs morts, cinq ministres, le porte-parole
du gouvernement et un porte-parole de Morsi, démissionnent.
L'armée adresse un ultimatum au président lui demandant de
‘se plier à la volonté du peuple’. Mais Morsi rejette l'ultimatum dans la nuit
du 2 au 3 juillet et déclare en substance ‘c’est moi ou la guerre civile’ et
prétend qu'il est le premier président élu démocratiquement de l'histoire de
l'Égypte.
Le 3 juillet au soir, le général Abdel Fatah Al-Sisi, chef
d'état-major de l'armée égyptienne, annonce la destitution de Mohamed Morsi et
le remplacement de celui-ci par le président de la Haute Cour constitutionnelle,
Adli Mansour, ainsi que la suspension de la Constitution.
L'armée annonce qu'elle organisera des élections
législatives et présidentielles anticipées. Al-Sisi déclarera plus tard que ‘l'armée
avait agi après le refus de Morsi d'organiser un référendum sur son maintien au
pouvoir’.
Ainsi, l’armée a anéanti le coup d’État que Morsi avait fomenté
contre le peuple le 22 novembre 2012, par sa déclaration constitutionnelle.
Le 4 juillet, on apprend que Mohamed Morsi est détenu par
l'armée et que des mandats d'arrêt sont émis à l'encontre des dirigeants des
Frères musulmans, tandis qu'Adli Mansour prête serment comme président par
intérim25.
Le 6 juillet, à l’appel de Tamarrod, plus de 20 millions de
manifestants descendent dans les rues du pays pour soutenir l’armée. Le peuple
fraternise avec les militaires et la police. Les femmes dansent dans les
carrefours avec les soldats pour les féliciter.
Mais les islamistes ne s’avouent pas vaincus. Ils menacent
le peuple. Dans leurs discours, ils promettent, pêle-mêle des attentats, des
assassinats, des voitures piégées et commencent à s’en prendre aux chrétiens en
les assassinant, et en incendiant leurs commerces et leurs églises.
Dans un discours, le général Abdel Fatah Al-Sisi demande au
peuple de soutenir l’action du nouveau gouvernement contre le terrorisme.
Le 26 juillet 2013, plus de 30 millions de manifestants
descendent dans la rue pour soutenir son appel.
Manifestation du 26 Juillet 2013, en soutien à l'appel de l'armée
Les islamistes ne s’avouent toujours pas vaincus. Ils
tentent alors d’internationaliser le conflit. Ils font appel à leurs
commanditaires des USA.
Le plan militaro-étatsunien était simple. Il s’agissait
d’organiser des élections bidon et mener à force de prêches religieux et d’argent,
une campagne débridée en faveur de quelques candidats à leur solde. Leur
ex-agent égyptien des services secrets de l’Agence internationale de l’énergie
atomique (AIEA), Mohamed El Baradei, est leur tête de pont[3].
Mohamed El Baradei qui avait encore bien caché sa duplicité
a prétendu soutenir le renversement de Morsi. Il participa donc au nouveau
gouvernement en qualité de vice-président.
Il s’est ensuite chargé de l’internationalisation du
conflit. On vit ainsi défiler en Egypte Catherine Ashton représentant de
l’Union Européenne, John Kerry secrétaire d’état des USA, John Mc Cain, sénateur
des USA. D’autres ministres, comme Laurent Fabius, ne voulant pas être en
reste, se fendirent de déclarations provocantes, accusant l’armée d’avoir
organisé un coup d’État, et réclamant la libération des ‘prisonniers
politiques’.
Les Égyptiens perçurent pour la première fois la perfidie et
le cynisme des Occidentaux.
Ils ont réalisé que l’Occident a soutenu la révolution quand
elle a mis ses agents au pouvoir, et qu’ils l’ont qualifié de dictature quand
le peuple a repris les choses en main.
Ils ont vu que l’occident accusait l’armée d’organiser un
coup d’État, alors que c’est le peuple qui est descendu dans la rue, par
millions, pour demander à l’armée d’intervenir, puis redescendu encore pour la
soutenir et approuver son action.
Ils ont dénoncé l’arrogance de l’Occident, qui s’est
autoproclamé ‘Communauté Internationale’ alors que le soutien à la révolution
est venu de toute part, surtout des ‘BRICS’ et des pays qui ont connu les
agressions occidentales en Amérique Latine, qui apparemment sont exclus par
l’occident de cette communauté.
La presse et les médias de l’occident, aux mains des
néoconservateurs et des néolibéraux, ont rejoint le bal.
Avant le soulèvement du 30 juin 2013, ces médias étaient
silencieux. Jusqu’à ce jour, ils ne rapportent aucun des crimes des islamistes.
Aujourd’hui que le peuple a souverainement voté une nouvelle
constitution, que les criminels islamistes sont arrêtés et traduits en justice,
la presse crie à la persécution, à la violation des droits de l’homme barbu, à
la soumission de la justice, au népotisme du corps judiciaire et accablent l’Égypte
et les Égyptiens de tous les maux.
On voit alors des titres alarmistes dans les genre ‘L’Egypte
face à la dictature militaire’, ou ‘L’extermination des frères musulman s’ ou
encore ‘La restauration de l’ancien régime’.
Mais toujours rien sur le terrorisme islamiste, rien sur les
attentats, rien sur les incendies dans les universités, rien sur la destruction
délibérée du patrimoine par les nostalgiques du pouvoir déchu de Morsi.
Les Égyptiens ressentent une grande injustice. La haine de
l’Occident s’installe dans les cœurs. Les champions populaires sont aujourd’hui
le général Abdel Fatah Al-Sisi, promu maréchal, qui a démissionné de son poste
pour se porter candidat à la présidence, la mémoire de Nasser, qui a tenu tête
à l’Occident, et … Vladimir Poutine.
Aujourd’hui, l’Égypte fait face à une guerre intérieure,
conduite par les islamistes et soutenue par l’occident, ses financiers, ses
organisations ‘humanitaires’ et ses médias.
Une guerre sans merci. Tous les jours les islamistes
fomentent des attentats, tuent, incendient, détruisent, violent.
Pour illustrer cette guerre, une carte de l’Egypte,
récemment publiée, explique ‘Le Piège de l’OTAN’.
Cette carte montre comment, dans la guerre de l’Occident
contre le peuple Egyptien, le plan des USA, et de l’OTAN, son exécuteur du sale
boulot.
Ce plan consiste à épuiser l’armée Egyptienne.
A l’est, au Sinaï, en introduisant depuis Gaza, et avec la
bénédiction de Morsi et sa mafia, des bandes terroriste liée à Al Quaida,
chargée d’assassiner des militaires de menacer la Navigation internationale
dans le canal de Suez, Pour démontrer que l’armée Egyptienne est incapable de
protéger le canal, et de s’en prendre à l’économie du tourisme dans la région.
A sud, en créant un conflit frontalier avec le régime
islamiste du Soudan au sujet des zones de Halayeb et Shalatine, riches en
minerais rares ou précieux (or, manganèse, pétrole).
Toujours au sud, en accélérant la construction du barrage de
la renaissance en Ethiopie, et la menace de s’en prendre à la quote-part de
l’Egypte de l’eau du Nil.
A l’ouest, en entraînant et en armant des groupes paramilitaires,
baptisés pour l’occasion ‘Armée Egyptienne Libre’, à l’Instar de l’armée
Syrienne Libre, fiancée par le Qatar, et entraînée par l’OTAN, avec le soutien
politique des USA et de l’Union Européenne.
Cette armée ‘Libre’ a une page facebook[4],
des vidéos sur Youtube[5],
et fait l’objet de publications sur le net[6]
Les Egyptiens sont donc plus ou moins conscients des dangers
qui les guettent, et ils voient en l’armée le seul rempart en mesure de les
défendre, et de faire face à ces dangers.
La guerre est aussi médiatique. On a vu ainsi des médias
dépasser les bornes et attribuer les morts de policiers à des attentats
organisés … par la police. Les journalistes d’Al Jazeerah n’ont pas seulement
propagé de fausses nouvelles, ils ont été surpris en train de mettre en scène
des assassinats fictifs où des figurants jouaient le rôle de policiers et
d’autres le rôle de victimes assassinées par ces faux policiers. Sur certaines
vidéos on a vu des morts tués par la police se gratter sous leurs linceuls ou
bien manifester deux ou trois jours après leur décès.
Dans ces conditions, les Égyptiens considèrent que les
règles de la guerre s’appliquent. Les traîtres doivent être condamnés à mort.
Le juge qui a condamné à mort 529 islamistes a été applaudi par une grande
majorité d’Égyptiens.
Il en est de même pour les journalistes aujourd’hui traduits
en justice. Écrire un article hostile au nouveau pouvoir n’est pas sanctionné,
écrire par erreur et de bonne foi des fausses nouvelles ne l’est pas non plus.
Mais monter délibérément des scènes imaginaires de persécution pour discréditer
l’armée et la police est un acte hostile qui doit être jugé et condamné.
L’Occident en tentant d’imposer sa domination rend un grand
service à l’Égypte. Parce que peuple Égyptien est très ombrageux lorsqu’il
s’agit de sa dignité et de son indépendance. La suspension de l’aide des USA,
les conditions humiliantes du FMI et des organisations financières
internationales pour aider au redressement de l’Égypte font que, bon gré mal
gré, l’Égypte se tourne vers les BRICS, ses alliés historiques, avec qui les
relations politiques et économiques sont d’égal à égal.
L’Occident s’est tiré plus d’une balle dans le pied. Parce
que l’Égypte est un grand pays du Moyen-Orient.
Et le peuple égyptien n’est pas un peuple qui s’agenouille.
[1]
Voir « Morsi n’a pas été démocratiquement élu, voici comment et
pourquoi »
[2]
Pour une liste non exhaustive des crimes des milices islamistes, voir
« Lettre ouverte à Laurent Fabius, ministre des Affaires Etranges »
Ou encore :
« Lettre ouverte aux Egyptiens qui crachent sur
leur pays et leur Peuple »
[3]
Voir « Lettre ouverte à M. El Baradei »