mercredi 24 mai 2017

Le plafonnement des indemnités prud’homales est-il conforme à la constitution ?




Le plafonnement des indemnités prud’homales est-il conforme à la constitution ?
Tarek EZZAT

Il est question, à propos de la nouvelle «’loi travail » de plafonner l’indemnité que le conseil des prudhommes pourra accorder à un salarié qui aurait subi un préjudice, notamment en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Un tel plafonnement s’oppose au principe de droit naturel, inscrit à l’article 1382 du Code civil aux termes duquel « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »



Ce principe n’est pas seulement traduit par un texte de loi, il est énoncé, tel quel, à l’article 4 de la Déclaration de 1789. Ce principe est donc un des fondements du droit établis par la Révolution Française.


La Cour de cassation a déjà statué que; «le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage, et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ». (Cass. civ. 2e, 28 octobre 1954)

Selon un autre arrêt (Cass. civ 2e, 26 mars 2015, pourvoi n° 14-16011), l'indemnisation doit réparer tout le dommage, mais rien que le dommage.

Par ailleurs, le Conseil Constitutionnel a déjà confirmé ce principe (Décision n° 2016-582 QPC du 13 octobre 2016) en statuant qu’ « en permettant au juge d’accorder une indemnité d’un montant supérieur aux salaires des six derniers mois en fonction du préjudice subi, le législateur a mis en œuvre le principe de responsabilité, qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789 »

On notera que le Conseil approuve un juge qui a accordé une indemnité d’un montant supérieur aux salaires des six derniers mois en fonction du préjudice subi


Dans la même décision, le Conseil précise que ce principe de responsabilité « découle – comme la liberté d’entreprendre – de l’article 4 de la Déclaration de 1789 … La faculté d’agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle ».

De plus, le Conseil Constitutionnel rappelle que « l’indemnité prévue à l’article L. 1235-3 vise à réparer le préjudice subi par le salarié en raison d’une faute de l’employeur, qui l’aurait licencié sans cause réelle et sérieuse. C’est au juge qu’il revient d’apprécier l’étendue du préjudice en question ».
Ainsi, on peut conclure ce qui suit ;

1/ La constitution garantit à la victime la réparation de son préjudice ; tout son préjudice, mais rien que son préjudice.
2/ Seul le juge (et non un barème) est habilité à apprécier l’étendue de ce préjudice.

J’en déduis qu’une loi qui imposerait au juge un plafond du montant de l’indemnisation serait contraire à la constitution

lundi 15 mai 2017

fucky ! fucky ! Le programme des années à venir



fucky ! fucky ! Le programme des années à venir
Tarek EZZAT

Voilà quelques semaines que je suis la campagne électorale sur la toile, à la télévision, ou dans les journaux.

Ce que je vois me rappelle de vieux souvenirs.

Il y a quelque quarante ans, je suis allé faire du tourisme en Thaïlande, le paradis du sexe tarifé. Vous marchez le soir dans les quartiers rouges de Bangkok, et vous êtes abordé par une nuée de jeunes filles légèrement vêtues chargées du rabattage fucky ! fucky ! lancent-elles à tue-tête, pour vous convaincre de rentrer dans le bar pour lequel elles travaillent.

A l’intérieur, il y a les entraîneuses, qui veulent bien boire avec vous un verre que vous allez lui offrir. Bien sûr, ce sera la bouteille la plus chère du bar. Vous devez vous plier à ses désirs, sinon un videur à la mine patibulaire se chargera de vous mettre de hors, parfois avec un œil au beurre noir.

Mais si vous acceptez d’étancher la soif de la belle, vous ne pourrez pas nécessairement allez aux choses sérieuses ; elle vous dira qu’elle est trop jeune, qu’elle est fatiguée, ou tout autre prétexte pour vous envoyer promener.

Les élections présidentielles en France ressemblent à ça. Les journalistes ne crient pas fucky ! fucky ! devant les boites de nuit, mais dans les émissions télévisées les journaux, la radio, et même sur internet. Aucune contribution autre que l’euphorie obligatoire n’est autorisée. Seule l’extase générale est à l’ordre du jour.

Et voilà que les rabatteurs de service, qui avaient déjà encensé Emmanuel Macron le soir du premier tour qui rivalisent de flagornerie et d’appels aux chalands.

Fucky ! Fucky ! 

Rejoignant l’appel des rabatteurs, voilà les instituts de sondage qui tiennent le rôle des entraineuses. Au lendemain du premier tour nous disaient que 61% des électeurs, ne souhaitaient pas accorder une majorité parlementaire au nouveau président, annoncent deux jours plus tard qu’ils sont 51% à vouloir lui en accorder une, au nom de la tradition républicaine.

Ainsi, en deux jours, quelque 4 millions d’électeurs ont changé d’avis. Quel miracle !
Elle a bon dos la tradition républicaine.

Je ne sais pas si c’est possible, mais j’aimerais bien voir les instituts de sondage assignés en justice pour présenter leurs calculs ; quelles classes sociales ont été interrogées, et comment sont calculés les corrections et redressements permettant d’étendre un échantillon de 1000 sondés à quelques 40 millions d’électeurs.


Fucky ! fucky !

Sur toutes les chaînes de télévision, tous les journaux, toutes les radios, même de service public, supposées observer un devoir de réserve et de neutralité, on nous a vanté “ces instants républicains“ “l’investiture la plus romanesque de la Ve République“, “On est véritablement dans le roman, et même, osons le mot, dans l’épopée“.  Et “Ce visage, ce masque d’Emmanuel Macron, cette gravité qui arrive”.

Fucky ! fucky !

On nous a affiché partout le baiser idyllique des époux présidentiels, le charme de la nouvelle première dame, à qui il faudra trouver une fonction officielle, pour que cette ivresse populaire soit achevée.

Fucky ! fucky !

Les rabatteurs nous ont ensuite servi les larmes émues de Gérard Collomb. Quelle émotion ! Puisque Gérard Collomb a pleuré, c’est que Le Macron est certainement un bon président.

Fucky ! fucky !

Macron prend une femme en larmes dans ses bras ? “c’est le protecteur de la Nation !” Il y a plus ; un intervenant nous dit que “Des personnes se sont réfugiées dans ses bras. Autrefois, les rois touchaient les écrouelles le lendemain du sacre, il y a un peu de ça“.


Enfin, il y a le méchant videur. Il est tout trouvé; le parti facho, nazi, antisémite, et tout et tout ... mais jamais interdit ou dissous, jamais ses dirigeants arrêtés. Il est l'alibi nécessaire, l'épouvantail des idiots utiles ; Votez bien ... Sinon !!! 

Sinon chambres à gaz camps de concentration.
 





L’effet de cette offensive médiatique, c’est que les émotifs et les influençables voient la belle image, mais perdent de vue ce qui sera derrière ; “il beau ce couple amoureux ! “ “il est touchant ce jeune président qui honore les blessés de notre armée“, “il est tentant ce jeune dynamique qui nous fait de belles promesses le cœur sur la main“.

Quand Macron nous parle d’une “Europe qui protège“, il ne nous dit ni qui protège de quoi, ni comment. Que des mots creux, vides de sens ; être volontariste, constructif, libérer le travail, et autres balivernes.

Ces dames qui s’identifient à cette poupée en préretraite se voient-elles déjà habillée par LVMH et décrochant un jeunot de 25 ans son cadet ?

Elles déchanteront quand on leur dira qu’elles n’ont pas travaillé assez longtemps pour avoir une retraite décente.

Ces jeunes cadres dynamiques se voient-ils tous PDG d’une startup en train de compter les milliards sur leurs relevés de comptes bancaires ?

Ils connaîtront leur sort lorsqu’on les licenciera du jour au lendemain, avec des indemnités symboliques, calculées selon un barème qui n’a rien à voir avec leur préjudice réel.

Ces retraités qui espèrent un avenir meilleur pour leurs enfants verront leurs retraites amputées pour contribuer à l’enrichissement des banquiers qui leur diront qu’ils dépensent trop, et qui leur conseilleront l’euthanasie active, au nom de l’obligation de mourir dans la dignité.


Mais dans toute cette histoire, qui sont les prostitués de la maison close en construction ?

En Thaïlande, ce sont ceux qui couchent dans le lit des riches.

En France, c’est pareil, ce sont ceux qui couchent dans le lit des banquiers.

Fucky ! fucky !