fucky ! fucky ! Le programme des années à
venir
Tarek EZZAT
Voilà quelques semaines que je suis la campagne électorale
sur la toile, à la télévision, ou dans les journaux.
Ce que je vois me rappelle de vieux souvenirs.
Il y a quelque quarante ans, je suis allé faire du
tourisme en Thaïlande, le paradis du sexe tarifé. Vous marchez le soir dans les
quartiers rouges de Bangkok, et vous êtes abordé par une nuée de jeunes filles
légèrement vêtues chargées du rabattage fucky ! fucky ! lancent-elles
à tue-tête, pour vous convaincre de rentrer dans le bar pour lequel elles
travaillent.
A l’intérieur, il y a les entraîneuses, qui veulent
bien boire avec vous un verre que vous allez lui offrir. Bien sûr, ce sera la
bouteille la plus chère du bar. Vous devez vous plier à ses désirs, sinon un
videur à la mine patibulaire se chargera de vous mettre de hors, parfois avec
un œil au beurre noir.
Mais si vous acceptez d’étancher la soif de la belle,
vous ne pourrez pas nécessairement allez aux choses sérieuses ; elle vous
dira qu’elle est trop jeune, qu’elle est fatiguée, ou tout autre prétexte pour
vous envoyer promener.
Les élections présidentielles en France ressemblent à
ça. Les journalistes ne crient pas fucky ! fucky ! devant les boites
de nuit, mais dans les émissions télévisées les journaux, la radio, et même sur
internet. Aucune contribution autre que l’euphorie obligatoire n’est autorisée.
Seule l’extase générale est à l’ordre du jour.
Et voilà que les rabatteurs de service, qui avaient
déjà encensé Emmanuel Macron le soir du premier tour qui rivalisent de
flagornerie et d’appels aux chalands.
Fucky ! Fucky !
Rejoignant l’appel des rabatteurs, voilà les instituts
de sondage qui tiennent le rôle des entraineuses. Au lendemain du premier tour
nous disaient que 61% des électeurs, ne souhaitaient pas accorder une majorité
parlementaire au nouveau président, annoncent deux jours plus tard qu’ils sont
51% à vouloir lui en accorder une, au nom de la tradition républicaine.
Ainsi, en deux jours, quelque 4 millions d’électeurs
ont changé d’avis. Quel miracle !
Elle a bon dos la tradition républicaine.
Je ne sais pas si c’est possible, mais j’aimerais bien
voir les instituts de sondage assignés en justice pour présenter leurs
calculs ; quelles classes sociales ont été interrogées, et comment sont
calculés les corrections et redressements permettant d’étendre un échantillon
de 1000 sondés à quelques 40 millions d’électeurs.
Fucky ! fucky !
Sur toutes les chaînes de télévision, tous les
journaux, toutes les radios, même de service public, supposées observer un
devoir de réserve et de neutralité, on nous a vanté “ces instants républicains“
“l’investiture la plus romanesque de la Ve République“, “On est véritablement
dans le roman, et même, osons le mot, dans l’épopée“. Et “Ce visage, ce masque d’Emmanuel Macron,
cette gravité qui arrive”.
Fucky ! fucky !
On nous a affiché partout le baiser idyllique des
époux présidentiels, le charme de la nouvelle première dame, à qui il faudra
trouver une fonction officielle, pour que cette ivresse populaire soit achevée.
Fucky ! fucky !
Les rabatteurs nous ont ensuite servi les larmes émues
de Gérard Collomb. Quelle émotion ! Puisque Gérard Collomb a pleuré, c’est
que Le Macron est certainement un bon président.
Fucky ! fucky !
Macron prend une femme en larmes dans ses bras ? “c’est
le protecteur de la Nation !” Il y a plus ; un intervenant nous dit
que “Des personnes se sont réfugiées dans ses bras. Autrefois, les rois
touchaient les écrouelles le lendemain du sacre, il y a un peu de ça“.
Enfin, il y a le méchant videur. Il
est tout trouvé; le parti facho, nazi, antisémite, et tout et tout ...
mais jamais interdit ou dissous, jamais ses dirigeants arrêtés. Il est
l'alibi nécessaire, l'épouvantail des idiots utiles ; Votez bien ...
Sinon !!!
Sinon chambres à gaz camps de concentration.
L’effet de cette offensive médiatique, c’est que les
émotifs et les influençables voient la belle image, mais perdent de vue ce qui
sera derrière ; “il beau ce couple amoureux ! “ “il est touchant ce
jeune président qui honore les blessés de notre armée“, “il est tentant ce
jeune dynamique qui nous fait de belles promesses le cœur sur la main“.
Quand Macron nous parle d’une “Europe qui protège“, il
ne nous dit ni qui protège de quoi, ni comment. Que des mots creux, vides de
sens ; être volontariste, constructif, libérer le travail, et autres
balivernes.
Ces dames qui s’identifient à cette poupée en
préretraite se voient-elles déjà habillée par LVMH et décrochant un jeunot de
25 ans son cadet ?
Elles déchanteront quand on leur dira qu’elles n’ont
pas travaillé assez longtemps pour avoir une retraite décente.
Ces jeunes cadres dynamiques se voient-ils tous PDG
d’une startup en train de compter les milliards sur leurs relevés de comptes
bancaires ?
Ils connaîtront leur sort lorsqu’on les licenciera du
jour au lendemain, avec des indemnités symboliques, calculées selon un barème
qui n’a rien à voir avec leur préjudice réel.
Ces retraités qui espèrent un avenir meilleur pour
leurs enfants verront leurs retraites amputées pour contribuer à
l’enrichissement des banquiers qui leur diront qu’ils dépensent trop, et qui
leur conseilleront l’euthanasie active, au nom de l’obligation de mourir dans
la dignité.
Mais dans toute cette histoire, qui sont les
prostitués de la maison close en construction ?
En Thaïlande, ce sont ceux qui couchent dans le lit
des riches.
En France, c’est pareil, ce sont ceux qui couchent
dans le lit des banquiers.
Fucky ! fucky !
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