dimanche 3 juillet 2016

Trois ans après la révolution en Egypte. Hystérie des islamistes.



Trois ans après la révolution en Egypte. Hystérie des islamistes.

Tarek EZZAT


Sans aucun doute, la révolution du 30 juin 2013 a été un événement majeur de l’histoire de la région, et peut être même de l’Histoire tout court.

Cette révolution a été menée par un front populaire, au vrai sens du terme, qui regroupait toutes les tendances politiques et toutes les classes sociales de l’Egypte, toutes opposées à la mainmise des frères musulmans sur les institutions et l’économie du pays.

Mais le ver était dans le fruit : parmi les alliés opposés aux frères musulmans, il y avait le mouvement salafiste.

Mainmise des salafistes


Le mouvement salafiste ne diffère en rien, du point de vue idéologique, de celui des frères musulmans, c’est tout simplement un groupe concurrent. Il convient seulement de signaler que les salafistes sont des wahhabites soutenus par l’Arabie Saoudite, alors que les frères musulmans sont des wahhabites soutenus pas le Qatar.

L’économie de l’Egypte allait donc échanger le soutien du Qatar contre celui de l’Arabie Saoudite.
Depuis les débuts des mouvements de l’islam politique, il y a environ 80 ans, le but annoncé de ces mouvements est de restaurer le califat dans un état islamique, afin de retrouver la gloire et la splendeur de l’Islam historique.

Mais la réalité est que ces mouvements cherchent à détruire l’état pour soumettre les peuples et se livrer au pillage des ressources des pays ainsi livrés à leur domination.

Aujourd’hui, les islamistes sont toujours infiltrés partout. Le mouvement a été brisé, mais il reste toujours présent dans la mentalité de ses adeptes. Ils multiplient les actions de provocation à l’encontre des chrétiens et des laïcs pour déstabiliser l’état.

Rôle de l’armée


Un autre membre du front du 3 juin est l’armée égyptienne.

Cette armée n’est pas, loin de là, l’armée rouge de l’Union Soviétique ni l’armée populaire de Chine. Elle défend un système capitaliste.

Mais comme c’est une armée nationaliste, malgré tout ce qu’on peut y déceler comme travers et dérives, cette armée défend un capitalisme d’état. On ne voit pas en Egypte une usine, une plantation ou un hôpital qui serait la propriété privée d’un général ou d’un officier supérieur.

Les moyens de production de l’armée appartiennent à l’armée. C’est-à-dire à l’Etat. Et ce capitalisme d’état est puissant, car l’armée contrôle 30% à 40% de l’économie du pays.

Bien entendu, cela ne signifie pas qu’il n’y ait ni corruption ni abus. De nombreuses sources évaluent la fortune de M. Moubarak et quelques autres caciques de son entourage à plusieurs milliards de dollars. Mais Moubarak ou les hauts gradés de l’armée ne possèdent pas de moyens de production significatifs. Ces moyens de production appartiennent à l’armée.

A l’inverse, les islamistes sont les partisans actifs du libéralisme le plus débridé. Ils sont en parfait accord avec les classes dirigeantes des Etats-Unis pour démanteler l’Etat. Toutes les structures de l’état ; la justice sera rendue pas des barbus dans les mosquées, supposés appliquer la sharia, la sécurité intérieure pas les confréries ordonnant le bien et prévenant le mal (Amr belmaarouf wa nahey aan almonkar), et l’armée régulière remplacée par des djihadistes, déjà en poste au Sinaï, armés financés et entraînés par les mêmes qui pilotent DAESH en Iraq et en Syrie.

Nature économique des conflits


Il est évident que ces deux idéologies antagonistes capitalisme d’état/capitalisme libéral devaient finir par s’affronter dans la plus grande violence. C’est, à mon avis, la cause de fond essentielle qui a alimenté les conflits entre l’armée et les frères musulmans, et qui explique les positions politiques des uns et des autres.

Ainsi, les USA et l’Union Européenne soutiennent les frères musulmans, via la Turquie. En effet, c’est le capitalisme libéral qui domine dans ces pays, ce qui fait que les islamistes sont leurs alliés naturels. Voilà pourquoi ces pays soutiennent ouvertement ou en sous-main les terroristes armés au Sinaï et en Syrie.

La Russie, qui est revenue au capitalisme d’état après la parenthèse Eltsine, soutient la Syrie, et se dit prête à soutenir le gouvernement Egyptien actuel.

La confrontation se produit aussi au niveau politique ; jusque l’année dernière, le parti salafiste « Al-Nour » avait l’habitude de distribuer des aumônes en nature à ses adeptes. Ces distributions avaient lieu dans des circonstances particulières, comme le mois de Ramadan, les fêtes religieuses ou les campagnes électorales.

Réactions sociales


Depuis plusieurs mois, l’armée s’est substituée aux salafistes, leur coupant ainsi l’herbe sous les pieds. C’est l’armée qui distribue, toute l’année, des produits alimentaires à bas prix, parce que subventionnés. On ne voit pratiquement plus de distributions organisées par les salafistes.

Mais, comble de la provocation, l’église copte commença elle-même par organiser des « Tables du Clément », sorte de soupes populaires gratuites, ouvertes à tous, où les musulmans se rendent pour rompre le jeûne pendant le mois de Ramadan. Al-Azhar, qui avait il y a quelques mois publié un article selon lequel le christianisme est une religion « en faillite », a dû se fendre, contraint et forcé, d’un avis disant que manger à la table des chrétiens n’était pas un « interdit religieux ».



Table du Clément, organisée par l'Eglise Copte

Du fait de ses positions réactionnaires et sa mentalité moyenâgeuse, Al-Azhar et ses ouailles salafistes se plaignent de voir de nombreux musulmans s’écarter de l’islam qu’ils prêchent. Les jeunes se tournent vers une vision personnelle de l’islam, vers l’athéisme, ou (ce qui pour Al-Azhar est pire) vers le christianisme.

La société elle-même se détourne lentement mais surement des inepties des institutions religieuses. De plus en plus de femmes ôtent le voile. Il y a tous les jours des appels pour faire interdire le niqab (voile intégral, qui couvre tout le corps, sauf deux trous en face des yeux) au motif que cette pratique est une menace pour la sécurité nationale, et celui du droit de chacun de savoir à qui il s’adresse. Le jeûne du ramadan est moins respecté, et les cinq prières quotidiennes sont abandonnées, et il y a des appels sur les chaines de télévision et sur internet pour braver publiquement les religieux en organisant des marches pour « arracher le voile ».

Le 5 juin 2016, au début du mois de Ramadan, Al-Azhar publia, sur sa page Facebook, un avis sur internet selon lequel « Rompre publiquement le jeûne, en plein jour, pendant le Ramadan n’est pas une liberté personnelle, mais une forme d’anarchie et une agression contre la sacralité de l’islam. Parce que manger publiquement pendant le jour pendant le Ramadan est une rébellion publique contre la volonté divine. C’est un péché, et une violation de la décence publique dans le pays des musulmans et une violation caractérisée du sacré et du droit de la société au respect de ce qu’elle vénère ».


 Avis religieux de AL-Azhar

Il y a eu plus de mille commentaires. Plus de 80% de ceux-ci s’en prirent à cet avis en demandant aux religieux de s’occuper de ce qui les regarde, que Al-Azhar ne définit ni les libertés personnelles ni le droit dans ce pays, que c’était à Dieu, et pas à eux de juger de ce qui est le péché et, ce qui est assez intéressant, que l’Egypte n’est pas le pays des musulmans, mais la patrie d’un peuple multiconfessionnel ».

Face à cette situation, les islamistes se raidissent en accusant ceux qui les critiquent d’apostasie, en publiant des avis religieux obscurantistes, voire en incitant les « bons musulmans » à la haine et la violence à l’encontre des chrétiens.

Dans de nombreux villages, on assiste à une recrudescence des pogroms anti-chrétiens, en vogue lorsque M. Morsi et les frères musulmans étaient au pouvoir. Les maisons des chrétiens étaient incendiées, leurs commerces pillés, leurs femmes ou leurs filles enlevées et violées.
Ces pogroms se soldaient d’habitude par des réunions « de réconciliation » où, pour avoir la vie sauve, des familles entières de chrétiens se trouvaient chassées du village et contrainte à l’exil forcé dans leur propre pays.

 Incendie de nombreuses maisons de chrétiens dans plusieurs villages


Aujourd’hui, du fait de la perte de l’influence du fascisme religieux que Al-Azhar et les salafistes tentent d’imposer, l’église s’est enhardie, elle refuse toute réconciliation « avant l’application entière de la loi » …et réclame des sanctions exemplaires contre les criminels.

Impasse politique et sociale


Le gouvernement est dans l’impasse : en effet, le salafisme et le wahhabisme sont incrustés dans tous les rouages de l’état, et à tous les niveaux ; c’est le résultat de plus de 40 ans de compromission entre les gouvernements de Sadate et Moubarak d’une part, et les religieux d’autre part.

En outre, les salafistes, officiellement membres du front du 30 juin 2016, sont soutenus et financés par l’Arabie Saoudite, qui elle-même soutient l’économie égyptienne à coup de milliards de dons, prêts et investissement. Rompre avec le wahhabisme serait prendre le risque de déclencher une « insurrection des affamés » que le gouvernement redoute au plus haut point.

Mais laisser pourrir la situation serait priver le gouvernement du soutien des classes moyennes et surtout, du soutien de l’Eglise Copte.

De nombreux intellectuels pensent que le régime de l’Arabie Saoudite vacille, qu’il a de grandes chances de s’effondrer du fait que ce pays s’est engagé sur plusieurs fronts (Syrie, Yémen, Tunisie, Libye) sans enregistrer de succès militaires et en dilapidant des fortunes considérables, à tel point que l’Arabie est contrainte de s’endetter.

Ainsi, c’est le régime de l’Arabie qui a besoin du soutien militaire et stratégique de l’Egypte, beaucoup plus que l’Egypte n’a besoin du soutien économique de l’Arabie, car le soutien économique peut être recherché ailleurs, notamment auprès des pays du BRICS.

Conclusion


La confrontation est dure. La voie est étroite. La lutte sera longue et douloureuse.
Mais les égyptiens sont déterminés à retrouver leur identité et leur culture défigurées par l’obscurantisme religieux.





Repères

Christian Dogma
 قيادي بالجبهة السلفية ذبح الأقباط واجب شرعي
Un dirigeant du front salafiste déclare que tancher la gorce des chrétiens est un devoir que la sharia impose


Al-Masry Al-Youm
شيخ الأزهر: داعش من أهل القبلة ولا يمكن تكفيرهم
Le Sheikh d'Al-Azhar; DAESH sont membre de la communauté musulmane, impossible de les excommunier


Christian Dogma
جامعة قناة السويس ترفض تعيين معيدة قبطية
L'Université du Canal de Suez refuse de nommer une assistante parce que chrétienne


Christian Dogma
 مدير مدرسة جهينة بمحافظة سوهاج يرفض قبول أوراق التلاميذ المسيحيين في المدرسة ...+ ويقول ... لن أقبل أوراق تلميذ مسيحي طول ما أنا في المدرسه
Le directeur d'une école de Sohag refuse les inscriptions des élves chrétiens. Je refuserai l'inscription des chrétiens tant que je serais à mon poste.


Cairo Scene
Muslim Scholar Says It’s Okay to Rape Non-Muslim Women to Humiliate Them
Une universitaire musulmane déclare que c'est acceptable de violer les non-musulmanes pour les humilier


The Coptic News
حبس 6 أقباط بالعامرية بتهمة الصلاة بدون تصريح وإخلاء سبيل السلفيين المعتدين
Six chrétiens en garde à vue pour avoir prié chez l'un d'eux sans autorisation, et relaxe de leurs agresseurs salafistes


Kol Al-Watan
موائد الإفطار المسيحية.. جدل مصري بعد تعاظم دور الكنيسة
Tables chrétiennes de rupture du jeûne. Controverse sur l’importance grandissante de l’Eglise



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