Trois ans après la révolution en Egypte. Hystérie des islamistes.
Tarek EZZAT
Sans aucun doute, la révolution du 30 juin 2013 a été un
événement majeur de l’histoire de la région, et peut être même de l’Histoire
tout court.
Cette révolution a été menée par un front populaire, au vrai
sens du terme, qui regroupait toutes les tendances politiques et toutes les
classes sociales de l’Egypte, toutes opposées à la mainmise des frères
musulmans sur les institutions et l’économie du pays.
Mais le ver était dans le fruit : parmi les alliés
opposés aux frères musulmans, il y avait le mouvement salafiste.
Mainmise des salafistes
Le mouvement salafiste ne diffère en rien, du point de vue
idéologique, de celui des frères musulmans, c’est tout simplement un groupe concurrent.
Il convient seulement de signaler que les salafistes sont des wahhabites
soutenus par l’Arabie Saoudite, alors que les frères musulmans sont des wahhabites
soutenus pas le Qatar.
L’économie de l’Egypte allait donc échanger le soutien du
Qatar contre celui de l’Arabie Saoudite.
Depuis les débuts des mouvements de l’islam politique, il y
a environ 80 ans, le but annoncé de ces mouvements est de restaurer le califat
dans un état islamique, afin de retrouver la gloire et la splendeur de l’Islam
historique.
Mais la réalité est que ces mouvements cherchent à détruire
l’état pour soumettre les peuples et se livrer au pillage des ressources des
pays ainsi livrés à leur domination.
Aujourd’hui, les islamistes sont toujours infiltrés partout.
Le mouvement a été brisé, mais il reste toujours présent dans la mentalité de
ses adeptes. Ils multiplient les actions de provocation à l’encontre des
chrétiens et des laïcs pour déstabiliser l’état.
Rôle de l’armée
Un autre membre du front du 3 juin est l’armée égyptienne.
Cette armée n’est pas, loin de là, l’armée rouge de l’Union Soviétique
ni l’armée populaire de Chine. Elle défend un système capitaliste.
Mais comme c’est une armée nationaliste, malgré tout ce
qu’on peut y déceler comme travers et dérives, cette armée défend un capitalisme
d’état. On ne voit pas en Egypte une usine, une plantation ou un hôpital qui
serait la propriété privée d’un général ou d’un officier supérieur.
Les moyens de production de l’armée appartiennent à l’armée.
C’est-à-dire à l’Etat. Et ce capitalisme d’état est puissant, car l’armée
contrôle 30% à 40% de l’économie du pays.
Bien entendu, cela ne signifie pas qu’il n’y ait ni
corruption ni abus. De nombreuses sources évaluent la fortune de M. Moubarak et
quelques autres caciques de son entourage à plusieurs milliards de dollars.
Mais Moubarak ou les hauts gradés de l’armée ne possèdent pas de moyens de
production significatifs. Ces moyens de production appartiennent à l’armée.
A l’inverse, les islamistes sont les partisans actifs du
libéralisme le plus débridé. Ils sont en parfait accord avec les classes
dirigeantes des Etats-Unis pour démanteler l’Etat. Toutes les structures de
l’état ; la justice sera rendue pas des barbus dans les mosquées, supposés
appliquer la sharia, la sécurité intérieure pas les confréries ordonnant le
bien et prévenant le mal (Amr belmaarouf wa nahey aan almonkar), et l’armée
régulière remplacée par des djihadistes, déjà en poste au Sinaï, armés financés
et entraînés par les mêmes qui pilotent DAESH en Iraq et en Syrie.
Nature économique des conflits
Il est évident que ces deux idéologies antagonistes
capitalisme d’état/capitalisme libéral devaient finir par s’affronter dans la
plus grande violence. C’est, à mon avis, la cause de fond essentielle qui a
alimenté les conflits entre l’armée et les frères musulmans, et qui explique
les positions politiques des uns et des autres.
Ainsi, les USA et l’Union Européenne soutiennent les frères
musulmans, via la Turquie. En effet, c’est le capitalisme libéral qui domine
dans ces pays, ce qui fait que les islamistes sont leurs alliés naturels. Voilà
pourquoi ces pays soutiennent ouvertement ou en sous-main les terroristes armés
au Sinaï et en Syrie.
La Russie, qui est revenue au capitalisme d’état après la
parenthèse Eltsine, soutient la Syrie, et se dit prête à soutenir le
gouvernement Egyptien actuel.
La confrontation se produit aussi au niveau politique ;
jusque l’année dernière, le parti salafiste « Al-Nour » avait
l’habitude de distribuer des aumônes en nature à ses adeptes. Ces distributions
avaient lieu dans des circonstances particulières, comme le mois de Ramadan,
les fêtes religieuses ou les campagnes électorales.
Réactions sociales
Depuis plusieurs mois, l’armée s’est substituée aux
salafistes, leur coupant ainsi l’herbe sous les pieds. C’est l’armée qui
distribue, toute l’année, des produits alimentaires à bas prix, parce que subventionnés.
On ne voit pratiquement plus de distributions organisées par les salafistes.
Mais, comble de la provocation, l’église copte commença
elle-même par organiser des « Tables du Clément », sorte de
soupes populaires gratuites, ouvertes à tous, où les musulmans se rendent pour
rompre le jeûne pendant le mois de Ramadan. Al-Azhar, qui avait il y a quelques
mois publié un article selon lequel le christianisme est une religion « en
faillite », a dû se fendre, contraint et forcé, d’un avis disant que
manger à la table des chrétiens n’était pas un « interdit religieux ».
Table du Clément, organisée par l'Eglise Copte
Du fait de ses positions réactionnaires et sa mentalité moyenâgeuse,
Al-Azhar et ses ouailles salafistes se plaignent de voir de nombreux musulmans
s’écarter de l’islam qu’ils prêchent. Les jeunes se tournent vers une vision
personnelle de l’islam, vers l’athéisme, ou (ce qui pour Al-Azhar est pire)
vers le christianisme.
La société elle-même se détourne lentement mais surement des
inepties des institutions religieuses. De plus en plus de femmes ôtent le
voile. Il y a tous les jours des appels pour faire interdire le niqab (voile
intégral, qui couvre tout le corps, sauf deux trous en face des yeux) au motif
que cette pratique est une menace pour la sécurité nationale, et celui du droit
de chacun de savoir à qui il s’adresse. Le jeûne du ramadan est moins respecté,
et les cinq prières quotidiennes sont abandonnées, et il y a des appels sur les
chaines de télévision et sur internet pour braver publiquement les religieux en
organisant des marches pour « arracher le voile ».
Le 5 juin 2016, au début du mois de Ramadan, Al-Azhar
publia, sur sa page Facebook, un avis sur internet selon lequel « Rompre
publiquement le jeûne, en plein jour, pendant le Ramadan n’est pas une liberté
personnelle, mais une forme d’anarchie et une agression contre la sacralité de
l’islam. Parce que manger publiquement pendant le jour pendant le Ramadan est
une rébellion publique contre la volonté divine. C’est un péché, et une
violation de la décence publique dans le pays des musulmans et une violation
caractérisée du sacré et du droit de la société au respect de ce qu’elle vénère ».
Avis religieux de AL-Azhar
Il y a eu plus de mille commentaires. Plus de 80% de ceux-ci
s’en prirent à cet avis en demandant aux religieux de s’occuper de ce qui les
regarde, que Al-Azhar ne définit ni les libertés personnelles ni le droit dans
ce pays, que c’était à Dieu, et pas à eux de juger de ce qui est le péché et,
ce qui est assez intéressant, que l’Egypte n’est pas le pays des musulmans,
mais la patrie d’un peuple multiconfessionnel ».
Face à cette situation, les islamistes se raidissent en
accusant ceux qui les critiquent d’apostasie, en publiant des avis religieux
obscurantistes, voire en incitant les « bons musulmans » à la
haine et la violence à l’encontre des chrétiens.
Dans de nombreux villages, on assiste à une recrudescence
des pogroms anti-chrétiens, en vogue lorsque M. Morsi et les frères musulmans
étaient au pouvoir. Les maisons des chrétiens étaient incendiées, leurs
commerces pillés, leurs femmes ou leurs filles enlevées et violées.
Ces pogroms se soldaient d’habitude par des réunions « de
réconciliation » où, pour avoir la vie sauve, des familles entières de
chrétiens se trouvaient chassées du village et contrainte à l’exil forcé dans
leur propre pays.
Incendie de nombreuses maisons de chrétiens dans plusieurs villages
Aujourd’hui, du fait de la perte de l’influence du fascisme
religieux que Al-Azhar et les salafistes tentent d’imposer, l’église s’est
enhardie, elle refuse toute réconciliation « avant l’application
entière de la loi » …et réclame des sanctions exemplaires contre les
criminels.
Impasse politique et sociale
Le gouvernement est dans l’impasse : en effet, le
salafisme et le wahhabisme sont incrustés dans tous les rouages de l’état, et à
tous les niveaux ; c’est le résultat de plus de 40 ans de compromission
entre les gouvernements de Sadate et Moubarak d’une part, et les religieux
d’autre part.
En outre, les salafistes, officiellement membres du front du
30 juin 2016, sont soutenus et financés par l’Arabie Saoudite, qui elle-même soutient
l’économie égyptienne à coup de milliards de dons, prêts et investissement.
Rompre avec le wahhabisme serait prendre le risque de déclencher une « insurrection
des affamés » que le gouvernement redoute au plus haut point.
Mais laisser pourrir la situation serait priver le
gouvernement du soutien des classes moyennes et surtout, du soutien de l’Eglise
Copte.
De nombreux intellectuels pensent que le régime de l’Arabie
Saoudite vacille, qu’il a de grandes chances de s’effondrer du fait que ce pays
s’est engagé sur plusieurs fronts (Syrie, Yémen, Tunisie, Libye) sans
enregistrer de succès militaires et en dilapidant des fortunes considérables, à
tel point que l’Arabie est contrainte de s’endetter.
Ainsi, c’est le régime de l’Arabie qui a besoin du soutien
militaire et stratégique de l’Egypte, beaucoup plus que l’Egypte n’a besoin du
soutien économique de l’Arabie, car le soutien économique peut être recherché
ailleurs, notamment auprès des pays du BRICS.
Conclusion
La confrontation est dure. La voie est étroite. La lutte
sera longue et douloureuse.
Mais les égyptiens sont déterminés à retrouver leur identité
et leur culture défigurées par l’obscurantisme religieux.
Repères
Christian Dogma
قيادي بالجبهة السلفية ذبح الأقباط واجب
شرعي
Un dirigeant du front salafiste déclare que tancher la gorce
des chrétiens est un devoir que la sharia impose
Al-Masry Al-Youm
شيخ الأزهر: داعش من
أهل القبلة ولا يمكن تكفيرهم
Le Sheikh d'Al-Azhar; DAESH sont membre de la communauté
musulmane, impossible de les excommunier
Christian Dogma
جامعة قناة السويس
ترفض تعيين معيدة قبطية
L'Université du Canal de Suez refuse de nommer une
assistante parce que chrétienne
Christian Dogma
مدير مدرسة جهينة بمحافظة سوهاج يرفض
قبول أوراق التلاميذ المسيحيين في المدرسة ...+ ويقول ... لن أقبل أوراق تلميذ
مسيحي طول ما أنا في المدرسه
Le directeur d'une école de Sohag refuse les inscriptions
des élves chrétiens. Je refuserai l'inscription des chrétiens tant que je
serais à mon poste.
Cairo Scene
Muslim
Scholar Says It’s Okay to Rape Non-Muslim Women to Humiliate Them
Une universitaire musulmane déclare que c'est acceptable de
violer les non-musulmanes pour les humilier
The Coptic News
حبس 6 أقباط
بالعامرية بتهمة الصلاة بدون تصريح وإخلاء سبيل السلفيين المعتدين
Six chrétiens en garde à vue pour avoir prié chez l'un d'eux
sans autorisation, et relaxe de leurs agresseurs salafistes
Kol Al-Watan
موائد الإفطار المسيحية.. جدل مصري بعد تعاظم دور الكنيسة
Tables chrétiennes de rupture du jeûne. Controverse sur l’importance
grandissante de l’Eglise
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