Pour un
Audit de la Dette Egyptienne.
Tarek EZZAT
Après la crise financière, révélée en 2008, certains pays se
trouvèrent dans l’incapacité de faire face à leurs échéances.
Les exemples les plus impressionnants étaient la Grèce, et
Chypre. Mais l’Espagne, l’Italie et, dans une moindre mesure, la France, ont
connu de graves difficultés.
Dans ce climat de panique, seul un petit pays a résisté :
l’Islande.
Ce pays, et son peuple courageux, ont considéré que la dette
était la conséquence de manipulations illicites. Alors l’Islande, après avoir
organisé un référendum, a refusé le remboursement de sa dette et traduit en justice
les responsables de l’endettement du pays.
Bien longtemps avant ces événements, l’Argentine avait aussi
refusé de payer sa dette, et le Brésil avait menacé de suivre son exemple.
Pourquoi l’Égypte de suivrait elle pas l’exemple Islandais ?
On sait que l’Égypte souffre d’une économie exsangue. Le
gouvernement, sous les coups de boutoir du FMI, de la Banque Mondiale et les
puissances occidentales (celles-là mêmes qui soutenaient la confrérie islamiste)
a déjà entrepris de diminuer les subventions sur les produits de première
nécessité, en attendant de les supprimer.
Des ministres, qui prennent les citoyens pour des imbéciles,
nous expliquent que la hausse du prix de l’essence n’aura aucun effet sur le
prix des denrées alimentaires et les autres produits, dont les prix resteront
stables.
Ces ministres sont des analphabètes politiques. Ils me rappellent
ce que Bertolt Brecht disait à leur propos :
Le pire des analphabètes, c’est l’analphabète
politique. Il n’écoute pas, ne parle pas, ne participe pas aux événements
politiques. Il ne sait pas que le coût de la vie, le prix de haricots et du
poisson, le prix de la farine, le loyer, le prix des souliers et des
médicaments dépendent des décisions politiques. L’analphabète politique est si
bête qu’il s’enorgueillit et gonfle la poitrine pour dire qu’il déteste la
politique. Il ne sait pas, l’imbécile, que c’est son ignorance politique qui
produit la prostituée, l’enfant de la rue, le voleur, le pire de tous les
bandits et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui lèche les
pieds des entreprises nationales et multinationales.
On a donc des analphabètes politiques au gouvernement, …
mais ont fait avec ce qu’on a. Faute de mieux.
Nous savons que l’Égypte a vécu sous un régime corrompu.
Nous savons que quelques oligarques de la bourgeoisie compradore détournaient l’argent
de la dette à son profit, quand elle ne faisait pas carrément main basse sur cette
manne, supposée soutenir des projets de développement ou des accords d’expansion
économique.
On raconte depuis longtemps une ‘nokta’ (blague) selon
laquelle un ministre des travaux publics Égyptiens aurait rendu visite à un
homologue Africain. Devant un pont nouvellement construit, le ministre africain
demande à l’égyptien :
-
tu vois le pont là-bas ?
-
oui !
-
50% dans ma poche !
Quelques semaines plus tard, c’est au tour du ministre
Africain de venir en Egypte. Le ministre égyptien lui demande :
-
Tu vois le palais des
congrès là-bas ?
-
… euh ! non. Je ne
vois rien !
-
100% dans ma poche !
La situation est grave. Aujourd’hui, l’Égypte compte essentiellement
sur le soutien financier de l’Arabie Saoudite, c’est-à-dire sur le régime Wahhabite
qui soutient et finance les Salafistes et leur nébuleuse de prédicateurs
obscurantistes.
Pour desserrer ce carcan, le Président Sissi a voulu inciter
les oligarques à contribuer au sauvetage de l’économie. Il a donc donné l’exemple
en cédant la moitié de sa fortune et de son salaire au Trésor Public. Certains
hommes d’affaires ont suivi, ainsi qu’un grand nombre de citoyens modestes.
Mais après ?
Peut-on, sur la durée, faire vivre un pays comme l’Égypte avec des subventions Wahhabites et de la charité bourgeoise ?
Que fera-t-on l’année prochaine ?
Si la classe aisée a reconstitué son patrimoine, pour
pouvoir contribuer à nouveau, c’est qu’elle aura certainement pillé les
richesses du pays. Et si la situation n’aura pas fondamentalement changé, alors
cette classe aurait dilapidé son patrimoine pour un rien.
Je propose que l’Egypte organise un audit de sa dette. Cet
audit doit être indépendant et international. Il pourrait être confié à des
experts reconnus, comme par exemple Jean Ziegler, Hongbing Song, et Thomas
Piketty. Des organisations non gouvernementales pourraient y participer, comme
‘Transparency International’. Des universitaires ou des personnalités Africaines,
comme Chérif Salif Sy ou Aminata Traoré.
Les organisations susceptibles d’avoir tiré profit de
l’endettement de l’Egypte devront, bien sûr, en être écartées, comme le FMI ou
la Banque Mondiale.
Pour des raisons évidentes de conflit d’intérêt, il ne
faudra pas que des Egyptiens participent à cette entreprise.
Le but de l’audit serait de terminer le montant de chaque
dette, ses conditions, et son utilisation. Il devra ensuite procéder à un
classement de ces dettes.
Les bonnes dettes seraient celles qui auraient effectivement
contribuées au développement du pays.
Les autres, qui auraient servir à alimenter la corruption,
seraient dénoncées, et l’Egypte pourrait alors déclarer que ces dettes ne
seront pas remboursées.
Ce qui est sûr, c’est que cette démarche permettra de
diminuer considérablement la dette du pays. Permettre de financer le
développement en économisant les sommes réservée au service de la dette, et
repartir sur des bases économiques claires et efficaces.
L’Egypte, et son gouvernement ont-ils la puissance
économique et le courage politique d’entreprendre une telle démarche ?
Poser la question est y répondre.
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